En temps de paix comme en temps de guerre, la femme peut être victime de viol ou d’agressions sexuelles.

Qu’en est-il de la justice et de l’attitude de la famille face à ce drame ?

Il est dit que « La justice n’est pas faite pour les indigents en RD Congo »…

Si le violeur est arrêté, et bien que le jugement soit rendu, le prévenu ne purge pas sa peine, et encore moins, il ne paye pas les indemnisations alloués à la victime.

Selon le sentiment populaire, seule, la justice « tire profit » du procès !
Comme si de ce drame, il y avait à tirer un profit d’un crime aussi odieux, abjecte expression !

A Uvira, les études menées par la Solidarité des Femmes Activistes pour la Défense des Droits Humains – SOFAD, montrent pourtant que l’arsenal juridique est suffisamment efficace pour la répression des crimes de violence sexuelle.

Pour rappel, la constitution congolaise réaffirme en son Article 14 que : Les pouvoirs publics prennent toutes les mesures pour lutter contre toute forme de violences faites à la femme dans la vie publique et dans la vie privée… !

Cliquez ici pour accéder à la Constitution de la RDC – 2006

Cependant les éléments ci-après font que la loi sur les violences n’est pas pleinement appliquée :

La faiblesse du système judiciaire : Le système connait une crise de procédure. Une fois nommé les magistrats,  l’Etat ne surveille pas et n’évalue pas les compétences des magistrats. Ce qui laisse les magistrats et officiers de polices judiciaires violer les règles éthiques de la profession…

Le gouvernement de la République paye aux juges du tribunal de grande instance et au Procureur de la République un salaire de 585.000 Franc congolais soit 650$ et les auxiliaires de la justice au TGI – Tribunal de Grande Instance, touchent un salaire mensuel net qui varie entre 135.000 et 225.000 FC  soit 150$ et 250$ le mois, avec le fait que le salaire peut parfois ne pas être versé de manière régulière.

Lorsqu’au même moment, un chauffeur employé à ce qui était à la MONUC en 2007, gagnait 500$ et s’en plaignait (!), il n’est pas étonnant que le personnel de Justice « s’arrange » pour arrondir ses fins de mois

Le logement, les frais de déplacement et véhicules, les mobiliers et matériels de bureau, les frais de fonctionnement des tribunaux et de la prison, l’entretien des bâtiments, les investissements, les formations, les autres personnels de justice, … sont pris en charge par le ministère de la justice à Kinshasa.

Le constat est sidérant : pour beaucoup de points, aucun investissement n’est réalisé pour permettre aux juges et autres personnels de justice, avocats, huissiers, etc. de travailler dans les conditions minimales de Justice. Voyez par exemple, l’état lamentable de la façade du tribunal de justice d’Uvira.

Uvira Tribunal 2011

Ce qui est paradoxal, c’est le refus de l’autorité judiciaire d’accorder le droit de prendre  des photos en vue de montrer l’état de délabrement et, alors que l’intention grâce à ces images, est d’interpeller les politiques sur l’importance à investir les moyens matériels et humains pour réellement rendre justice…

L’ignorance de la loi : La population congolaise demeure dans une ignorance quasi-complète des lois. Beaucoup d’ONG des droits humains travaillent avec un tel amateurisme sur les violences sexuelles que les documents qu’elles produisent ont peu de valeur juridique.

Les pratiques coutumières : Le viol est considéré par la famille comme une déchéance sociale, un déshonneur. La femme violée risque alors d’être exclue, rejetée, stigmatisée : autant tout faire pour que ce cauchemar « reste » en famille.

La pratique qui prévoit de mettre fin aux poursuites d’un auteur de  viol aussitôt qu’il ait versé quelques biens à la famille de la victime, soustrait un nombre considérable d’auteurs de violence sexuelle à la juste sanction. Et ceci bien que la loi prévoit la poursuite de ces auteurs même en l’absence de toute constitution de partie civile et que la coutume a une force inférieure à celle de la loi.

Le manque de mécanismes de protection des victimes, de leurs défenseurs et des témoins : Ceci constitue un handicap sérieux à l’établissement de la culpabilité des auteurs de violences sexuelles. La mise en accusation expose les victimes, les défenseurs de celles-ci ainsi que les témoins à des représailles. Rien de concret n’est prévu pour les protéger.

Le poids de la tradition, de la religion et des mentalités qui contraint la Société à maintenir la femme soumise à l’homme, dans un rôle de corvées et qui l’amène à considérer que ce qui lui arrive est mineure. Dans ce contexte, les « Hommes » en charge de la protection, la police, en charge de Justice, les juges peuvent ne pas se sentir concernés malgré leurs obligations…

De la corruption…
Le prévenu s’arrange pour corrompre les autorités judiciaires, policières et militaires par quelques « enveloppes » ou biens en nature, pour avoir gain de cause laissant la victime et la famille dans des traumatismes physiques, psychologiques, et des situations financières graves.

Si dans certains pays, il existe une aide aux personnes victimes de violences en cas d’incapacité du prévenu à indemniser, en RD Congo, la famille et la victime se trouvent seules à assumer les frais de justice et de soins physique et psychique.

Si le violeur est un militaire, après jugement, l’Etat Congolais n’assume pas ses responsabilités de dédommagement alors que sur le plan de la loi, la responsabilité civile des militaires et policiers lui revient.

Souvent, si le prévenu est condamné, il ne reste pas longtemps en prison pour toutes les raisons de délabrement et de corruption, ce qui laisse la victime dans l’insécurité totale.

L’impunité est la règle…

En conséquence, au vu de la précarité juridictionnelle congolaise en matière de la violence sexuelle, nombre des familles et victimes recourent à l’arrangement à l’amiable : « Mieux vaut un mauvais arrangement qu’un bon procès » dit-on.

Alors, pourquoi recourir à l’arrangement à l’amiable ?
Disons en préambule que tout ceci se fait sans le consentement de la victime…

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Parce que la Justice est en difficulté d’assumer sa mission et que la famille de la victime risque d’être à nouveau victime, cette fois du système judicaire qui a parfois des allures de mafias légales…

De la dépendance des organisations internationales pour rendre un peu de justice : Des organisations internationales comme le Bureau des Droits de l’Homme de la MONUSCO, Fonds des nations unies pour la population (UNFPA), l’Unicef, l’Association du barreau américain (ABA), Avocats sans Frontières…. à travers des organisations locales de défense des droits de l’homme, financent la prise en charge judiciaire des victimes. C’est un emplâtre sur une jambe de bois car le problème se situe à l’incapacité de la Justice à assurer sa mission et à l’Etat à prendre en charge ces frais et indemnisations. Quand ces structures seront parties, « on » fait quoi ? Et pourquoi l’Etat s’investirait puisque de bonnes âmes s’en occupent et en retirent elles-aussi profits de cette situation ?

N’as-t-on pas dit que l’Afrique est malade de l’Humanitaire…

Un viol, le prix d’une chèvre
A l’issue des négociations, la famille de la victime « gagne » 100$ ou une chèvre en guise de réparation du crime commis. Les criminels et leurs familles qui acceptent de les soutenir, n’ont pas la possibilité de faire plus, étant donné leur état de pauvreté dans un pays qui est rappelons-le, est un des plus riches du Monde…

Parfois, comble des atrocités, la famille de la victime oblige le violeur à la prendre  en mariage considérant le viol comme barrière de la richesse grâce à la dot espérée et qu’une fille violée devient une « marchandise » déclassée.

Il est dit que cela permettrait de sauver socialement « l’honneur » de la famille. La victime serait protégée des jugements sociaux, mais sûrement pas de nouveaux actes de violences, le violeur étant en liberté d’agir cette fois en toute légalité au domicile conjugal.

Cela a comme conséquence la culpabilisation de la personne qui vivra avec le sentiment d’injustice et la peine de se retrouver face à son violeur, peut être comme voisin ou membre de la famille… Encore faut-il croire à la discrétion dans une société où toutes les rumeurs sont possibles…

D’autres considèrent que l’arrangement permet à la jeune fille de poursuivre sa formation sans que cette affaire soit rendue publique.

Des familles ne savent pas comment répondre à leurs devoirs de soutien moral et financier pour les soins par exemple, et laissent leur fille parfois encore mineure, leurs épouses et mères expulsées, se livrer à la prostitution.

Enfin que dire de la « double peine », celle des femmes exclues de la famille et de la Société qui la jugent« coupable d’avoir été violée » ? C’est ce qui est appelé, la stigmatisation des femmes victimes de violences. Ces femmes se retrouvent abandonnées à leur sort, parfois avec des traumatismes psychiques et physiques graves, sans soins. Elles sont parfois soutenues par des associations qui les aident à les reconstruire comme la Cité de la Joie à Bukavu. Que deviennent celles qui n’ont pas cette opportunité de soutien ?

Motivation étonnante à s’enrôler pour les futures élections…
La CENI, commission électorale nationale indépendante, organise les opérations d’enrôlement. Une aubaine pour les jeunes filles mineures : Elles s’arrangent pour avoir une carte d’élève ou attestation de perte de pièce et modifient leur date de naissance pour obtenir la carte d’électeur qui leur évitera les « frustrations » de la minorité!

La violence sexuelle sous toutes ses formes à l’égard de la femme est malheureusement toujours d’actualité en RDC.

Malgré d’énormes progrès en termes de dénonciation depuis 2001, pour rappel, 3TAMIS a sous l’occupation du RCD, réalisé le premier documentaire – témoignage de femmes violées de toute âge , la Marche mondiale des femmes à Bukavu d’octobre 2010 en a été un temps fort, la femme reste seule face à ces crimes…

Il est socialement difficile pour les proches de victime de l’accueillir avec l’attention et l’amour voulu. Certaines personnes préfèrent placer leur honneur dans le déshonneur de l’argent… Question de survie, de justice populaire à défaut de justice du droit ?

Dans la société congolaise, la situation vécue par la victime est toujours largement minimisée.

La sexualité, le droit de la femme à disposer de son corps, d’être protégée de toute agression, de décider de son avenir, sont des notions de droits constitutionnel et universel encore bien loin de la réalité rencontrée par la femme.

Zéphyrin Bungiasi

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