Culture

Baloji à Bukavu

Baloji ?
Un artiste à connaître, un nom à retenir

6 juin 2010. En tournée pour le Cinquantenaire dans la ville de Bukavu.

« Souvent, tu vois la musique comme un miroir ; en fait, c’est une fenêtre. »

Baloji a une vision bien à lui de la musique, qui transparait dans son nouvel album « Kinshasa succursale », enregistré à Kinshasa en six jours dans un studio mobile.

Cet album haut en couleurs, où se croisent une multitude de styles (traditionnelle rumba, très entrainants mutuashi et soukous ou encore, ska, reggae et funk nigérian) mais également divers artistes congolais tels Konono N°1, Royce Mbumba ou Zaïko Langa-Langa, ouvre une « fenêtre » sur l’univers de Baloji.

En tournée dans toute la République Démocratique du Congo, Baloji célèbre, à sa façon, 50 ans d’indépendance. En trois semaines, il aura parcouru la RDC, accompagné de ses musiciens, afin de présenter 6 concerts dans 6 villes différentes : Kinshasa, Matadi, Lumumbashi, Goma, Kisangani et Bukavu.

Ce projet, organisé en collaboration et avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International (Kinshasa), s’impose dans le cadre des festivités relatives au cinquantenaire de l’Indépendance de la RDC.

« C’est la démarche de Baloji qui nous a intéressé. C’est un artiste belge qui travaille en Communauté Française mais qui a voulu venir ici et rencontrer d’autres artistes. Ce que nous partageons tous, c’est un amour de cette riche culture congolaise. Nous voulons la valoriser, d’abord aux yeux des congolais eux-mêmes, puis pour le monde aussi » nous explique Kathryn Brahy, déléguée de Wallonie-Bruxelles International.

En effet, Baloji est un « congolais de la diaspora ». C’est pourquoi il est important pour lui de revenir ici, sa terre natale, avec une attitude humble, parce que « c’est l’échange qui donne du sens » affirme-t-il. Auteur-compositeur, né à Lubumbashi en 1978 d’une liaison illégitime qui lui vaudra d’ailleurs le nom de Baloji (sorciers, en swahili), il grandira aux côtés de sa mère durant quelques années, avant de partir avec son père s’installer en Belgique, où il réside aujourd’hui encore dans la ville de Liège.

Il a commencé en 1998 dans un style rap en formant le groupe Starflam (belge) qu’il quittera en 2004 cause de dissensions existantes. C’est suite à une lettre de sa mère, qu’il n’avait plus vue depuis près de 25 ans, qu’il reprendra sa carrière avec l’envie de lui répondre en musique.

C’est comme ça qu’en 2006, naît son premier album solo « Hôtel Impala » dans lequel il raconte sa vie, parle d’identité, de diaspora,… Suivi par « Kinshasa succursale » qui présente des chansons de son premier album revisitées ainsi que cinq titres inédits dont « Indépendance Cha Cha » qui pourrait bien devenir un cri de ralliement pour tous les congolais !

Une vision, un message

C’est dans ce contexte que Baloji nous livre ses impressions, son ressenti quant à son voyage en ici en RDC avec beaucoup de franchise et de justesse : « Le constat est en fait quelque peu navrant ! La situation du  Congo est assez catastrophique de l’intérieur…

La réforme de ce pays doit passer par un changement des mentalités sinon, cinquantenaire ou même centenaire, ce sera toujours la même chose ! ».

Et il fait de ce « Congo Tour », un hommage à Floribert Chebeya, ce grand nom de la défense des droits de l’homme, directeur de l’association « La Voix des sans-voix » (VSV), assassiné le 2 juin dans des circonstances plus que suspectes et alarmantes.

En concert à Bagira le 6 juin, Baloji ameute les foules.

Public

Soutenu par 3TAMIS, point focal de Wallonie-Bruxelles International au Sud-Kivu, il est propulsé au devant de la scène et réuni, le temps d’une soirée, plus de 600 personnes dans ce dernier vestige de la culture bukavienne, la salle Ciné Venus.

Marie-Josée Mbonekube Chasinga, bourgmestre de Bagira, dans son discours d’ouverture des festivités est très enthousiaste : « Merci de donner à notre commune l’occasion de déjà goûter aux festivités du cinquantenaire de l’Indépendance du Congo. »

Baloji, un artiste en développement

Quand Balo se définit, c’est avec une grande humilité, il se voit comme un « artiste en développement » et il le dit très bien : « You live and you learn ». Il s’entoure donc d’une solide équipe et de quelques personnalités.

On a pu voir, à ses côtés, le grand Dizzy Manjeku comme guitariste ou encore Didier Likeng comme directeur musical et bassiste mais aussi Saidou Ilboudo aux percussions, Philippe Ekoka au clavier et Olga Tshiyuka Tshiby l’a accompagné au chant. Sans oublier Arnaud Chamey, ingénieur du son et Monte, son manager qui souligne que dans des démarches comme celle de son « protégé », le plus important c’est la volonté et la passion, deux choses qui caractérisent très bien notre héro du jour.

Baloji est très apprécié de son équipe, Olga le définit comme « une personne bien et un vrai professionnel » et Saidou dit de lui que « c’est un jeune de notre époque qui se bat pour les autres jeunes d’Afrique… C’est un battant !

S’il y en avait plus comme lui, qui se battent pour leurs projets, les musiciens africains auraient trouvé leur chemin… » Quant à Papa Di, il ne tarit pas d’éloges : « C’est un jeune qui en veut et qui aime profondément ses origines. Bien qu’il soit à la croisée des chemins, il reste profondément congolais dans son cœur. J’aime ses textes engagés. Il fait une symbiose très réussie entre sa culture d’origine et la culture européenne. »

La passion rassemble les générations

En première partie de ce concert, on a pu écouter Gaytt Ngelesa, chanteur de Bukavu mais aussi Kalo Mulozi et son orchestre « Acoustic sound », très connu localement.

Kalo a commencé sa carrière musicale en 1989 à Bagira justement, « à l’ouest, là où le soleil se lève, là où s’impose la musique qui ira rayonner à Bukavu » nous dit-il. Pour lui, ce projet est un peu comme un jumelage, « Baloji fait ma promotion à un niveau étendu, tandis que moi, je fais la sienne ici dans le Sud-Kivu où il n’est pas encore très connu ».

Dizzy Manjeku était également de la partie.

Cette icone de la scène congolaise est née en 1946 à Léopold Ville et est arrivée à Bukavu en 66. A l’époque, en créant l’orchestre « Les grands Maquisards », il apporte un nouveau concept au Congo. Il fait des reprises de tous les orchestres, y compris les congolais, ce qui était inimaginable jusqu’alors. Il est ensuite devenu premier guitariste de l’orchestre national congolais, directeur artistique,… Il était littéralement partout !

En 88, il fait sa dernière tournée dans la région des grand lacs avant de s’envoler pour la Belgique où il a notamment joué aux côtés de Jimmy Cliff et du groupe Zap Mama pendant 10 ans.

Il n’était plus revenu au Congo depuis 22 ans avant cette tournée qui lui tient à cœur : « J’ai écouté Baloji parler de son projet avec passion et j’ai été convaincu ! » nous confie-t-il. Il a donc décidé de revenir sur sa terre natale afin de donner un petit coup de pouce à ces jeunes parce qu’« ils jouent bien, ils sont sur le chemin ! ». Quant à Baloji, il est très fier de l’avoir à ses côtés : « Papa Dizzy fait partie d’une « race » de musiciens extraordinaires, il est musicien, intellectuel et musicologue… Il est à l’aise avec tous les styles ».

Pari réussi

Ce concert a donc été un franc succès, rassemblant les foules parmi lesquelles des personnalités telles que Marie-Josée Mbonekube Chasinga, bourgmestre de la commune de Bagira, Kathryn Brahy, déléguée du centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, Philip Heuts, ministre-conseiller de la coopération internationale au Consulat général de Belgique à Lubumbashi, Franck Mweze, directeur des 3TAMIS ou Chouchou Namegabe Dubuisson, journaliste et coordinatrice de l’Association des Femmes des Médias du Sud-Kivu. Même le commissaire principal de la police de Bagira, Kabwete Kajange était présent.

Ombre au tableau cependant, l’absence du Vice-gouverneur, du Comité du cinquantenaire et de la Maire de ville de Bukavu partis en attente du Président de la République en visite pour 48 heures.

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Sont aussi venus en très grand nombre, des congolais de tous les coins (Bukavu, Kadutu,…). Et ils n’ont pas été déçus, Baloji a conquis les cœurs avec un concert haut en couleur. Alain, 22 ans, étudiant en diététique et nutrition : « Je suis content de voir ce que vous avez fait ici, les chansons m’ont égaillé. » Zao, 39 ans, militaire à Bagira : « J’ai eu beaucoup de plaisir pendant le concert. Et puis, ce sont nos amis, ils sont venus pour nous visiter et c’est important. » Patricia, 24 ans, étudiante en médecine : « J’étais trop heureuse, surtout de voir un congolais venir de l’Europe, un congolais qui pense toujours à nous. Il faut continuer à faire ça ! » Sylvie, 25 ans, étudiante en économie : « Le chanteur était très sympa !

Et c’est comme s’il avait réussi à toucher toutes les couches de la population. Tout le monde était invité et il n’y a pas eu de discriminations. » Kelly, 24 ans, étudiante en technique de laboratoire : « Super chouette ! Ce que j’ai préféré, ce sont les textes, qui nous ont donné un message d’espoir et de paix. »

Bref, avec son nouvel album et cette tournée en RDC, Baloji, « sorcier » du sens et du rythme, replace 50 ans d’indépendance du Congo dans un contexte musical varié et surprenant qui vise à réveiller les esprits congolais.

Nadège Van Mechelen

Amitie Dizy

Pour en savoir plus : www.baloji.com

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