
De Mathias Pollet – Petit cours d’hospitalité congolaise
Que connaissons-nous de l’hospitalité, nous les Belges ?
Pas grand-chose. Sans doute, étions-nous les plus braves comme le disait Jules César. Mais la suite de cette fameuse phrase est trop souvent méconnue de la plupart des gens.
Nous étions les plus braves « car les plus éloignés de la civilisation »…
Autrement dit, la barbarie et les Belges ne faisaient qu’un.
Et je ne pense pas que l’hospitalité aille de paire avec la barbarie. Malheureusement, selon moi, nous en avons gardé beaucoup de séquelles. Ici à Bukavu, l’occasion d’apprendre et de se rattraper ne manque pas. Elle est même permanente. En tous cas, mes collègues et amis ne cessent de me le prouver chaque jour.
Tout d’abord, il y a ce qu’ils appellent « la prise en charge ». Cela consiste simplement à assumer tous les frais lors d’une sortie en journée, en soirée ou les deux. Robert, à titre d’exemple, a voulu me faire visiter Kadutu (une des trois communes de Bukavu). C’est le quartier populaire par excellence. Il m’a tout payé : le trajet en taxi-moto, les bières, la nourriture… tout ! Pourtant, il n’est pas spécialement riche. Mais il a tenu à me faire plaisir, à bien m’accueillir, à faire en sorte que je me sente à l’aise.
De même, quand je vais chez lui sa femme me prépare toujours à manger : des bananes plantains frites, du poulet, du poisson, du foufou (sorte de purée épaisse à base de farine de manioc), du sombé (feuilles de manioc), des aubergines… Elle en a aussi profité pour me montrer comment cuisiner toutes ces choses.
Vraiment, il lui serait inimaginable de ne pas m’accueillir de la sorte. Est-ce une envie ? Un devoir ? Certainement les deux. En tous cas, je n’ai jamais vu cela en Belgique.
Même si j’arrive par surprise, elle prendra la peine de se rendre au marché pour acheter tout ça. Et hors de question que je paie quoi que ce soit.
Cette expérience ne fait que renforcer les bonnes relations que j’entretiens avec mes collègues de 3TAMIS. Je partage d’excellents moments avec chacun d’entre eux, au bureau comme à l’extérieur. Il en est de même de la famille avec qui je vis chaque jour.
Mon hôte, Protais, me présente son à entourage comme étant « son fils » et du coup toutes ses relations deviennent miennes.
A Bukavu, les gens de mon quartier (et même d’autres) me considèrent déjà comme frère, oncle ou même fils… Le terme « ami » quant à lui n’est pas aussi fort qu’en Belgique. Un ami ici équivaut à une « connaissance » chez nous.
Leur solidarité et leur sociabilité sont à la base de cette hospitalité et de cette familiarité.
Je vais me permettre une comparaison. Dans ma ville de Tournai (70.000 habitants), j’ai habité pendant un an dans une maison avec trois autres étudiants. Aucun de nous ne connaissait le voisinage.
Ici à Bukavu (plus de 800 000 habitants), j’y habite seulement depuis un mois et demi et pourtant je ne peux plus me balader en ville sans croiser quelqu’un que je connais. Le fait d’être blanc change la donne, je l’accorde. Mais tous mes amis connaissent leur large voisinage.
Nombreuses sont les visites surprises. Et celui qui arrive à l’improviste pendant un repas sera forcément invité à le partager. Comment se fait-il alors qu’en Belgique nous soyons si individualistes malgré toutes nos richesses ?
Si quelqu’un arrive chez moi sans prévenir et que ce n’est pas l’heure du repas, je me vois mal aller au supermarché pour acheter de la nourriture et cuisiner pour lui. Certes, je lui proposerais un verre mais je ne me démènerais pas trop non plus, je l’avoue.
Autre exemple. En Belgique, quand nous buvons un verre avec des amis dans un bar, soit la facture est partagée par tous soit chacun décide d’offrir un verre à telle ou telle personne. A Bukavu, une seule personne s’occupe de payer la note. Et la fois prochaine, ce sera quelqu’un d’autre.
Vivre tout cela me touche vraiment et me réchauffe le cœur.
J’en viens à en tirer un simple constat (un peu naïf et réducteur, j’en conviens). L’Europe, au contraire de l’Afrique, détient les richesses matérielles et les infrastructures. L’Afrique quant à elle possède la richesse du cœur au contraire de l’Europe…
Mais quelle est la plus importante ? Je me pose réellement cette question quand je sais qu’en Belgique la première cause de mortalité chez les jeunes est le suicide.
Alors, l’argent fait-il vraiment le bonheur ? Je me permets d’en douter fortement
Mathias Pollet, stagiaire HELHA à 3TAMIS

