
Femmes transporteuses, femmes courageuses…
Il s’agit de femmes de tous âges qui passent des journées entières à transporter sur leurs dos, accrochées à leurs têtes par des sangles, des charges impressionnantes.
Elles transportent du makala (charbon de bois, combustible indispensable puisque l’accès à l’électricité et au gaz est quasiment inexistant dès qu’on s’éloigne de la ville de Bukavu), des bananes plantain, des racines de manioc, des légumes, des fagots de bois ou encore de la farine de leurs villages jusqu’au marché, afin d’essayer de les vendre.
D’autres au « beach » de Bukavu, transportent du sable, des briques, divers matériaux de construction…
Mais pour être sûres de gagner un peu d’argent, ces femmes s’occupent également de décharger les camions arrivant à Mugogo.
Elles amènent les sacs de marchandises jusque sur le marché, sacs pouvant peser jusqu’à 150 kilos, selon les vendeurs !!!
Et ce, pour un salaire dérisoire : elles sont payées entre 50 et 100 francs congolais par sac, soit environ 600 FC par jour (soit 0,7 dollar – en 2010).
Ce qui leur permet, à la fin de la journée, d’acheter une mesure de farine, c’est tout.
Les femmes de Mugogo se sont organisées en « Comité des femmes transporteuses » dont voici les responsables.
La doyenne (au milieu de la photo), travaillant encore activement, nous dit avoir un peu plus de 80 ans.
La présidente, Mama Mwampusa (à gauche) nous raconte : pour ce travail, à des très rares exceptions près, aucun homme. La lourde tâche du transport, que l’on imaginerait décemment être effectuée par camions ou à dos d’animal, est laissée aux femmes.
Même les femmes enceintes effectuent ces tâches de portage, ce qui peut provoquer beaucoup de problèmes, notamment des malformations du fœtus ou des accouchements prématurés.
Les fillettes aussi apportent des marchandises jusqu’au marché (pas les garçons parce que les hommes le leur interdisent).
Espérance Mawanzo, directrice de l’Observatoire de la parité confirme : « Le grand problème de l’Afrique, et de la RDC, est un problème de culture : c’est dans l’éducation. Il suffit de voir les petites filles sur les routes ! ».
Mais ces femmes ont une volonté de fer. Souvent, elles sont veuves, ou leurs maris n’ont pas de revenus mais elles refusent de sombrer et font alors ce travail pour tenter de subvenir aux besoins de leurs familles.
Et même si elles effectuent ces tâches en partie parce que « c’est la tradition », il existe donc également des raisons sociales et économiques importantes, dont la survie familiale.
Ce que je voudrais aujourd’hui, ce n’est pas critiquer ni porter un jugement sur cette réalité mais bien mettre en avant ces femmes dont le courage est sans limite et tenter de porter un regard compréhensif sur leur situation et ce qu’elles m’en ont dit.
Ces » femmes transporteuses » abordent leur condition avec une attitude positive. Elles ne se plaignent pas de ce qui leur arrive, mais se battent quotidiennement pour subvenir aux besoins de leurs familles. Elles ne voient pas le salaire comme minime, mais comme leur permettant d’acheter chaque soir une dose de farine qui nourrira leurs enfants.
Elles ne dénigrent pas les hommes, trop orgueilleux pour effectuer ce genre de taches, mais déclarent le plus simplement du monde : « les hommes ne sont pas assez forts pour ce travail ».
Elles ne s’attristent pas sur les risques de santé liés au fait de transporter des charges si lourdes (problèmes de dos, côtes brisées,…) ni sur les années passées à travailler comme des forcenées mais elles font remarquer l’indépendance qu’elles acquièrent en travaillant.
Et au lieu de se plaindre de ce qu’elles vivent, elles envisagent des solutions susceptibles de faire avancer les choses : faire passer des messages sur l’égalité entre les sexes à travers une émission de radio locale « Samwaki : femme rurale, information et communication pour le développement », ou tenter avec leurs maigres économies d’envoyer leurs filles à l’école afin de leur permettre d’imaginer un avenir moins contraignant.
Et c’est un très bon début si on veut faire évoluer les choses, comme l’explique Espérance Mawanzo :
« Les médias sont un vecteur d’information très important. Il faut que les ONG de terrain sensibilisent la population, parlent avec ses femmes parce que ce sont elles qui interviennent directement dans la société.
Et il ne faut pas négliger le rôle des églises, très influentes, en qui les gens ont confiance…
Mais surtout, il faut également sensibiliser les dirigeants pour qu’ils comprennent le problème et interviennent, notamment au niveau des infrastructures (routes,…) et de l’éducation de base des enfants.
Bref, tous ces acteurs doivent travailler en collaboration et à tous les niveaux afin de sensibiliser dirigeants et populations, et d’essayer de faire évoluer la culture… petit à petit. »
Même si la parité et les changements culturels en RDC mettront du temps, des initiatives très positives se mettent en place « kidogo kidogo » (petit à petit), grâce au courage et à la persévérance dont font preuve ces femmes chaque jour de leurs vies.
Nadège Van Mechelen
Entraide & Développement : Comme en 1990 – 1996 où pour acheminer ses marchandises, il fallait utiliser des femmes-porteuses appelés « Hilux » marque d’une camionnette japonaise. Rien n’a changé...
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