
Kalemie – Donnons leurs droits aux enfants
Tuwape Watoto Haki Yao
Un projet Journalistes pour les Droits Humains – JDH
Du 28 octobre au 14 novembre 2009, plus de 5.300 élèves dont 3.700 garçons et 1.600 filles de 9 à 18 ans et environ 7.000 personnes ont assisté aux projections publiques !
La violence peut prendre plusieurs formes. Aujourd’hui, celle qui est la plus dénoncée est la violence faite aux femmes, terrible situation. Celle de la violence faite aux enfants n’en reste pas moins préoccupant, car tout aussi victime d’un pays toujours en guerre.
Alors dans le cadre de la promotion des droits humains et des droits de l’enfant en particulier, le CAVK avec l’appui des Journalistes pour les Droits Humains – JDH, a apporté sa contribution à la sensibilisation des parents, des enfants et des autorités politiques de la ville sur les situations de non droit des enfants.
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Réalisation : Centre Audio Visuel de Kalemie – CAVKalemie – CAVK, Genre : Documentaire. Série de témoignage de situation réelle, de 26 minutes en swahili.
Animation : 4 jeunes reporters, 2 filles, 2 garçons, dans 17 écoles primaires et secondaires et 6 quartiers de Kalemie : Lubuye, Kisebwe, Maendeleo, 4 coins, Kamkolobondo et Bureau de la cité
La sensibilisation par l’image est un moyen efficace pour informer et former la population dans un milieu dépourvu de télévision ! « Une image vaut mille mots » a-t-on l’habitude de dire…
C’est donc un reportage vidéo que le CAVK a réalisé avec la participation de 4 jeunes formés par l’UNICEF en collaboration avec la RTNC, il s’agit de : Mwamba Kibawa, Jeannette Kabwe, Patience Grillon et Longa Ntutula.
Des enfants, des parents, Mme Shela Mungul, juriste et Mr Willy Nselike, président du Tribunal de grande instance de Kalemie ont été contacté pour témoigner et apporter leur contribution.
Les principaux articles de droit retenus ont été : le droit à l’éducation, à la scolarisation, à la protection, à la survie, à l’enregistrement à l’état civil et à une bonne participation.
L’enregistrement de l’enfant à l’état civil est très important pour que ce dernier soit reconnu officiellement dans la société et dans sa famille.
En cas de partage d’un héritage lors du décès des parents, l’Etat ne tient compte que des enfants enregistrés à l’état civil, aussi l’enfant non enregistré n’héritera rien. Dans ce cas l’enfant est victime de la négligence ou l’ignorance ou bien de la difficulté pour des parents de faire la démarche qui coûte de l’argent. La loi prévoit des sanctions pour un parent qui n’aurait pas déclaré un de ses enfants.
Dès la conception, l’enfant a droit à la survie. Les parents ont le devoir de procurer une bonne alimentation à leurs enfants, des vêtements, d’une chambre à part, d’un lit correct, etc.
Aujourd’hui, la plupart des enfants sont victimes de la pauvreté des parents, de l’irresponsabilité de certains d’entre eux, de la polygamie, de l’exclusion suite au phénomène de l’« enfant accusé de sorcellerie ». En conséquence, ils passent la nuit à la belle étoile et errent dans les quartiers, privés de l’amour et de la protection de leurs parents.
D’autres sont victimes d’activités non éducatives comme :
> De regarder des films pornographiques dans les « cinés vidéo », de participer à des « catchs spiritisme » qui sont des jeux de lutte sur la puissance magique. Ainsi les enfants sont victimes de ces spectacles, parfois ils fuient l’école pour aller voir ces jeux qui inculquent des mauvaises idées dans la tête des enfants, imitateurs par excellence.
> Par exemple, des enfants transportent les objets fétiches des cacheurs, chantent pour eux, et déambulent avec dans les rues.
Par manque d’accompagnement, les enfants se laissent aller à ces manifestations non éducatives, ils boivent sans réserve, font n’importe quoi, rentrent tardivement à la maison.
Le 28 octobre, Mr François Kazembe, Administrateur du Territoire de Kalemie a lancé la campagne de sensibilisation en présence des directeurs d’école, de Mr Alphonse Nyembo, des représentants de la société civile, des associations, des ONG locales et internationales œuvrant dans le domaine des droits de l’enfant, de plusieurs services de l’Etat comme Culture et arts, Genre, Famille et enfant, Jeunesse, Sport et loisirs, la SONECA (Société Nationale des éditeurs, compositeur et autres), la police et l’armée et, bien sûr en présence des enfants.
Sr Christine Bushiri, responsable du CAVK a exhorté à « l’implication de tout le monde dans la promotion des droits de l’enfant pour que les enfants jouissent de leurs droits, et fassent connaitre leurs devoirs en vue de les préparer à leurs responsabilités de citoyens. » et d’ajouter : « Il est temps à vous les enfants, de faire la promotion de vos droits entre vous et de respecter vos devoirs envers les parents et sur le respect du bien public »
Ce fut une opération de sensibilisation exceptionnelle de par l’approche nouvelle (l’enquête réalisée par 4 jeunes à la recherche de témoignages sur des situations réelles de non droit, et l’animation gérée par eux, avec brio) et, de part le nombre de personnes sensibilisées au sein de 17 écoles de Kalemie et lors des projections publiques !
A l’issue de chaque projection, les responsables des écoles et les élèves ont donné leurs impressions :
« Nos remerciements pour cette activité en faveur des enfants, parents, autorités et toute la population sur un sujet oublié, ignoré »
«Nous souhaitons le renouvellement des projections de ce genre afin de renforcer notre capacité en matière des droits des enfants et devoirs envers les parents et la société ».
«Grand merci car d’autres ne savaient pas que nous, enfants, avions des droits. Nous nous rendons compte grâce à ce documentaire que nos droits ne sont pas respectés par nos parents ni par les autorités »
« Un bon sujet captivant qui nécessite la présence de nos parents, que chaque élève amène l’un de ses parents lors d’une autre projection dans nos écoles ! »
« Nous demandons à nos parents de prendre leurs responsabilités en tant que parent »
Quelques questions importantes ont été posées par les élèves et la population:
« Pourquoi faire cette projection sans nos parents ? »
« Quelles sont les peines réservées aux parents qui ne respectent pas les droits de leurs enfants ? »« Y a-t-il des peines prévues pour les enfants qui ne prennent pas aux sérieux les droits donnés par les parents par exemple le cas de la scolarisation mais l’enfant fait l’école buissonnière, refuse d’aller à l’école ? »
« Avez-vous pensé organiser des projections dans les milieux ruraux ? »
« Si mes parents sont pauvres et n’arrivent pas à me faire scolariser, que faire ? »
« Mon papa a 5 mois d’arriéré, comment sera-t-il en mesure d’accomplir mes droits à la scolarisation ? »« Quelles sont les mesures prises par les autorités locales sur les cinés vidéo sans éducation pour les enfants »
« Un parent irresponsable, à qui laisse-t-il la prise en charge de ses enfants ? »
« Le gouvernement n’a-t-il pas des obligations envers les enseignants ? »
« Si les enfants ne respectent pas leurs devoirs, les parents peuvent donner à ses enfants leurs droits ? »« Est-il permis à un enfant de convoquer ses parents parce qu’ils n’ont pas respecté ses droits ? »
Au cours de la réalisation et du programme de projection, l’équipe a pu se rendre compte de l’impact d’une telle activité, en voici quelques exemples :
Pendant le reportage, un enfant « accusé de sorcellerie » a été repéré. Il passait la nuit dans un publiphone au quartier 4 coins. Il a pu réintégrer sa famille grâce à l’intervention de l’équipe technique qui a contacté un membre de la société civile vivant dans le même quartier. Avec lui, elle a invité ses parents à assumer leur responsabilité, afin qu’ils ne se retrouvent pas en prison ! A ces mots, l’enfant a été récupéré par ses parents !
Un parent a donné à ses enfants un peu d’argent pour se procurer à manger… Ils avaient bien compris leur droit et avaient su transmettre le message à la maison !
Des recommandations ont été formulées par les parents et élèves au CAVK, à JDH, aux autorités
« De produire et réaliser un autre documentaire sur les devoirs des enfants envers les parents et le respect des biens publics. »
« De prendre des mesures contraignantes pour les petits vendeurs qui rentrent tard et vis-à-vis de ceux qui traînent dans la rue à côté des bars »
« D’imposer des restrictions sur les projections des films sans éducation dans les cinés vidéo et particulièrement pendant les heures de cours, d’interdire la présence d’enfants aux manifestations comme : le catch, la kermesse et les autres activités qui ne concernent pas les enfants ».
En plus des projections commandées par JDH, d’autres ont eu lieu pendant ce mois de novembre dédié à l’enfant : ce fut le cas le 18 novembre, à l’occasion du 20ème anniversaire de la convention relative aux droits de l’enfant en collaboration avec le service genre, famille et enfant.
La manifestation a eu lieu à l’Hôtel du Lac en présence du Commissaire Adjoint du district du Tanganyika, Chargé d’administration, Mr Joseph Kasongo, Mme Fatuma Kamona, responsable du service genre, famille et enfant, des acteurs sociaux, des enfants et de leurs encadreurs.
Dans le cadre de la promotion féminine, le 19 novembre, le même documentaire a été projeté en faveur des femmes de toutes confessions religieuses, encadrées par Sr Bernadette Malilo, Sr de St Joseph.
Toutes ces manifestations ont été l’occasion de faire des échanges sur les droits de l’enfant et d’interpeller la responsabilité de tout un chacun à s’impliquer à la promotion de leurs droits.
Le Centre exprime sa gratitude à l’association Journaliste des Droits de l’Homme qui a initié et financé le projet et à toutes les personnes qui ont collaboré à sa réussite.
Sr Christine Bushiri

