
SNEL au tribunal : une interpellation citoyenne
Depuis plusieurs mois, toute la ville suit avec attention les démêlés judiciaires entre la SNEL et l’un de ses clients, Maître Jean de Dieu Mulikuza.
Celui-ci s’estime discriminé et surfacturé : la tarification appliquée par la SNEL est de loin supérieure à celle en vigueur pour les clients de l’ouest (Kinshasa), sous le même code et pour la même consommation.
La SNEL rétorque avoir appliqué la loi, et de manière spécifique, l’arrêté du ministre de l’Economie…
Ce procès revêt un caractère quelque peu spectaculaire du fait que la fourniture de l’électricité intéresse tout le monde dans la ville.
L’électricité fournie par la SNEL est de mauvaise qualité : Elle se caractérise par des chutes brutales de tension, des coupures intempestives et des délestages, enfin à cause d’un réseau de distribution anarchique, défaillant et limité : câbles pourris, transformateurs antédiluviens et insuffisant, double raccordement pour éviter le délestage, peu de compteur fiable…
Cette situation cause des préjudices importants au niveau des familles en termes de confort et sécurités des appareils, de sécurité des maisons et quartiers, en termes de fonctionnement normal des entreprises.
Bien que raccordées au réseau SNEL, les coupures d’électricité ont conduit nombre d’habitant et d’entreprises à s’équiper de générateur électrique augmentant leurs charges (équipements et exploitation) avec des répercussions négatives sur le budget et pour les entreprises sur les prix et la compétitivité de leurs produits.
Au prix du carburant et au moment où le problème du réchauffement climatique est une préoccupation mondiale, c’est une aberration de plus en RDC…
Si la population et les entreprises privées et non marchante comme les ONG se lamentent des délestages et coupures intempestives, ceux-ci ne sont pas tous irréprochables quant à la régularité des paiements de leurs factures de consommation.
La population justifie cette situation par les guerres à répétition qui l’ont plongée dans une paupérisation croissante, sans oublier les antivaleurs érigées en système et la démission de l’Etat dans sa mission d’assurer le bien-être des citoyens et les moyens pour vivre.
A l’audience de ce lundi 12 mai 2008, les parties étaient prêtes pour les plaidoiries.
Pour Maître Jean de Dieu MULIKUZA MULENGEZI, Demandeur, les plaidants étaient :
> Maîtres Yves KAJANGU, Donatien MULUME, Jean Claude MUBALAMA, BISIMWA NTAKOBAJIRA, Idesbald BYABUZE, MUDEKEREZA MURHUZA et TOTO MANIMANI, tous Avocats près la Cour d’Appel de Bukavu ainsi que Young BYAMUNGU, Défenseur Judiciaire.
> La SNEL, Défenderesse, est assisté par : Maître KIZUNGU LOOCHI.
Elle est assignée solidairement avec l’Etat Congolais pour lequel plaide les Cabinet BAGAYA MUKWE et KALENGA, tous avocats près la même Cour. Elle est assitée par deux avocats du Cabinet Mudumbi, venus de Goma.
En résumé, le demandeur tend à obtenir la restitution des sommes indûment perçues en appliquant des tarifs anormaux et discriminatoires ainsi que celle du deuxième défendeur au paiement des dommages-intérêts pour les préjudices subis par le concluant ;
> Que le fossé dans la tarification appliquée au concluant par rapport à celle qui est en vigueur ailleurs sur le territoire congolais n’est pas justifié de manière objective et raisonnable et n’obéit pas au principe de proportionnalité.
> Que ces traitements discriminatoires ont pour but la recherche d’un enrichissement sans cause au bénéfice de la 1ère défenderesse, la Sté SNEL ;
> Qu’il est une évidence que le concluant a effectué des paiements excédant manifestement l’intérêt normal en payant, jusqu’au mois de mars 2008, la somme de 844,04 dollars au lieu de 169,4 dollars américains, soit un trop payé de 674,64 dollars américains ;
De la surfacturation, de la lésion et de la restitution de l’indu : Pour étayer ses revendications, la partie demanderesse a présenté au juge, un tableau permettant de visualiser les différences de prix :
Le comparatif entre la situation de l’abonné Jean de Dieu MULIKUZA Code tarif 34 Commune d’Ibanda/Ville de Bukavu et celle d’un abonné placé au Code tarif 34 en Commune de la Gombe/Ville de Kinshasa, montre un écart de 674.64 $US entre décembre 2006 et mars 2008.
Et pour conclure, s’agissant de la première défenderesse :
- Dire recevable mais non fondée l’exception d’incompétence du Tribunal de céans ;
- Rejeter toutes les pièces et moyens non communiqués de la première défenderesse en application de l’article 71 point 1 de la loi organique sur le Barreau ;
- Rejeter sa demande en audition d’un expert en informatique ;
- Dire irrecevable ou à tout le moins, non fondée sa demande reconventionnelle ;
- Dire recevable et fondée l’action du concluant ;
En conséquence :
> La condamner à faire application du tarif national en vigueur dans la Ville de Kinshasa et de Lubumbashi, notamment ;
> La condamner à la restitution de toutes les sommes perçues indûment depuis décembre 2006 jusqu’à parfait paiement et constituant des enrichissements sans cause et calculée jusqu’au 31 mars 2008, à la somme de l’équivalent en Fc de 674,64 dollars américains ;
> La condamner au paiement des dommages-intérêts de l’équivalent en Fc de deux cents milles dollars (200.000 $) à titre de réparation des préjudices matériels et moraux subis par le concluant. En ces préjudices moraux sont compris notamment les préjudices découlant des actes discriminatoires commis à l’encontre du concluant en violation des articles 2 et 3 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; les articles 2 point 2, articles 3 et 11 point 1 du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; les articles 11, 12, 13 et 48 de la Constitution de la RD Congo ;
La condamner aux frais de l’instance
S’agissant du deuxième défendeur :
> La condamner, du fait d’avoir manqué à ses obligations, au paiement des dommages-intérêts de l’équivalent en Fc de trente milles dollars (30.000 $) à titre de réparation des préjudices subis par le requérant ;
> La condamner aux frais de l’instance.
La centrale hydroélectrique de Ruzizi I a une puissance installée de 28,2 MW fournie par quatre groupes dont les deux premiers ont été mis en service en 1958 et 1959 et les deux autres en 1973.
Des quatre groupes installés successivement en 1958,1959 et 1973, seuls trois fonctionnent mais ils sont en état de vétusté. Le quatrième est hors d’usage pour révision depuis août 1994 jusqu’à ce jour ( !). Les frais d’entretien et de réparation de cette centrale sont évalués par les ingénieurs de la SNEL à plusieurs millions de dollars que la Société ne peut pas réaliser sans l’appui des partenaires extérieurs.
La baisse du niveau de l’eau du lac Kivu a un impact sur la production d’électricité : à partir d’août 2005, seuls 14MW sur 28, sont distribués dans les villes de Bukavu, Uvira et Goma.
La centrale hydroélectrique de Ruzizi II érigée sur la même rivière depuis 1989 grâce à la société internationale d’électricité des pays de Grands Lacs (SINELAC), une co-propriété du Rwanda, du Burundi et de la République Démocratique du Congo, se heurte également à cette baisse continue du niveau d’eau dans le lac Kivu.
Selon la SNEL, elle ne peut en aucun cas être reprochée d’une surfacturation par un abonné notamment le demandeur dès lors que les actes qui la régissent n’ont pas été violés.
Les tarifs des prix qu’elle applique sont antérieurs par rapport à la date d’abonnement du concluant et qu’en souscrivant pour cet abonnement, ce dernier a été informé du prix par kilowatt et du délai des réclamations en cas d’erreur de calcul ou de surfacturation.
Depuis la date de l’abonnement jusqu’à la date de son assignation, le concluant n’a jamais contesté ou émis une contestation portant sur la surfacturation ou erreur de calcul alors que, lorsqu’un usager ou mieux un client de la SNEL reçoit une facture et qu’il estime qu’il y a eu surfacturation, il dispose de 5 jours pour introduire sa réclamation, tel que le renseigne le point 3 de chaque facture.
La SNEL persiste qu’il n’y a pas discrimination étant donné que la SNEL « traite ses abonnés d’une façon égale conformément à la loi et ils ont été protégés de la même manière sans discrimination aucune ».
La SNEL soutient que la comparaison faite par le demandeur des factures d’autres provinces ne trouve aucun fondement ni dans les textes, moins encore dans la police d’abonnement.
Elle invoque que sur avenue Lundula on dénombre « une vingtaine de clients qui sont dans les mêmes conditions que le demandeur ».
La SNEL soutient par ailleurs que l’action du« demandeur a un caractère téméraire et vexatoire ». De ce fait la SNEL introduit une demande reconventionnelle de 100.000 USD…
La Société nationale d’électricité (SNEL) établit ses factures sur base d’un arrêté du ministre de l’Economie signé en 1998.
Radio maendeleo – 13-05-2008
Six avocats l’ont soutenu, ce lundi 12 mai, dans leurs plaidoiries en faveur de cette société dans le procès l’opposant à maître Jean de Dieu Mulikuza pour surfacturation et discrimination devant le tribunal de grande instance de Bukavu.
Ils ont même introduit une action reconventionnelle. Selon eux, maître Mulikuza doit payer 100.000 dollars américains à la Snel pour les préjudices subis. Les gens ne paient plus, ils attendent l’issue de ce procès fort médiatisé. Le point 3 des factures prient pourtant aux abonnés de déposer leurs réclamations endéans cinq jours de leur réception.
Les avocats de maître Mulikuza ont répliqué que la SNEL voulait diviser le pays. Selon eux, elle facture à l’Est sur base d’un arrêté départemental du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) signé en 2001. Cette facturation serait le quadruple de celle en cours dans le reste du pays.
Le ministère public a condamné l’Etat congolais qui n’a pas surveillé les agissements de la Snel. Pour lui, cette société devrait rembourser les paiements indus à maître Mulikuza et même le dédommager.
Le réquisitoire du Ministère public a été lu sur le banc, allant dans un sens favorable à la partie demanderesse.
Le tribunal de grande instance de Bukavu a pris cette affaire en délibéré. Il rendra son verdict le lundi 26 mai.
Par ce procès, que suit avec intérêt toute la population de Bukavu, la justice de la 3ème République sera-t-elle juste et indépendante ?
C’est en tout cas une affaire à suivre…
Ce procès montre une évolution positive de la société congolaise.
La responsabilité des institutions de l’Etat est engagée. Elles doivent répondre aux attentes des citoyens.
Que ce procès soit l’occasion pour ces entreprises publiques de se ressaisir à défaut de quoi, elle disparaîtront, reprises par le secteur privé qui ne fera pas de cadeau vis à vis des dirigeants incompétents…
L’investissement dans de nouveaux matériels, barrage (Ruzizi III), centrale au gaz du lac, ou autre type d’énergie prendra des années étant donné les délais de constitution de dossiers pour le financement, les études de faisabilité, d’impact environnemental, les études économiques, d’appel d’offre et de soumissionnement, de réalisation…
Il n’empêche que dès à présent, la SNEL et les autres sevices de l’Etat, pourraient prendre sur leurs moyens propres, des initatives courageuses de redressement de pratiques qui autrement, les affaiblissent chaque jour et empêchent le société de vivre normalement…

